Philippe Godin
Supra Nature
« Et, ne trouve-t-on pas une fascination semblable pour la prodigalité de la nature, celles « des petites choses », feuilles, fleurs, pierres, chez l’artiste franco-marocaine Rita Alaoui, dont les deux peintures s’attachent à magnifier la beauté plastique de motifs végétaux des plus ordinaires ? En s’appliquant à saisir les effets de transparence et d'opacité́, d’une plante aussi courante que les orpins, la peintre poursuit sa quête d’une esthétique de la « transfiguration du banal » au cœur même de ces objets naturels, organiques ou minéraux, qui peuplent nos environnements à notre insu. Cette démarche n’est pas sans évoquer celle d’un paysagiste comme Gilles Clément attentif à la survie des plantes vagabondes en ville. Par son geste pictural de transformer ces « petits-rien » de la nature qu’elle collecte et transforme en autant de pièces rares et singulières, Rita Alaoui nous invite sans doute à rester aux aguets de cette vie simple à fleur de terre dont nous avons perdu le sens.
Ne convoque-t-elle pas de la sorte cette sagesse chère au philosophe Vladimir Jankélévitch consistant à savoir reconnaitre dans le « presque-rien » des phénomènes impalpables, parmi les choses les plus importantes de l’existence, comme la modulation des couleurs d’une plante, les anfractuosités d’une pierre, la brillance et les plis d’une fleur ?
La démarche de Rita Alaoui s’inscrit aussi dans une pratique actuelle de l’art écologique, visant à collecter et conserver au sein d’œuvres où d’installations afin d’en laisser une mémoire quasi muséale, des formes du vivant susceptibles de disparaitre sous l’effet de la dégradation des écosystèmes. »
Extrait du texte pour le communiqué de presse de l’exposition « Supra Nature » du 25 mai au 31 juillet 2023, Galerie Anne de Villepoix (Paris) avec Rita Alaoui, Annette Barcelo, Souleimane Barry, Alina Bliumis, Hicham Berrada, Fabrice Hyber, Franck Lundangi, Sam Samore, Uman.