Françoise Benomar

L’envers de la nature

Rita Alaoui fait son apprentissage comme peintre et plasticienne d’abord à l’Académie Julian-Penninghen et à la Parsons School of Design à Paris, puis à New York où elle obtient deux années plus tard son Bachelor of fine arts section peinture.

Elle vénère la nature tellurique parce que nous la regardons peut être plus comme nous devrions la dévisager. Pour l’artiste, il s’agit donc de ré-observer l’idiosyncrasie de nos verts cottages à partir de la couleur, pour ensuite la re-dessiner au-delà de ses emblèmes originels. Tout comme Matisse, elle prendra les pigments pour faire des arbres un univers à la fois naïf, mais aussi mentalement construits selon des règles esthétiques spirituellement mise en pensées : de la feuille bleue, à l’arbre mi-vert, façades de feuilles roses sur fond céruléen, foliations d’oranges devenues des cercles pour nous faire extravaguer, fabuler un jardin d’Eden où il y fait bon vivre. Une ambiance ludique et enfantine donne naissance à la répétition du motif arbre-feuille, nous transporte d’emblée dans un espace pictural où seule la réinvention de la nature vient interroger de ce qui doit se ré-écrire dans le cœur des hommes, à savoir toucher son éclat dans ce qu’elle a de plus liturgique.

Du mot nature, elle en explorera toute la symbolique linguistique d’abord en transgressant, désobéissant aux codes de la peinture classique à l’image d’un Ruisdael Van Jacob peignant l’arbre comme un symbole romantique, ou d’un Théodore Rousseau faisant de l’arbre une mise en scène théâtrale où les feuilles semblent n’être que la divagation vivante d’un idéal plastique de verts, si réels que nous sommes prêts à les distinguer comme une photographie. Il s’agira donc d’agrandir le mot « Nature » en le portant à la hauteur d’une fenêtre fictive sur un nouveau monde. Des dyptiques deviendront l’espace propice à cet imaginaire-monde transformant les paysages lourds de parures en des motifs purement décoratifs, ingénus, innocents, féériques. Plus de pesanteur, couleront ainsi des restes d’un ciel bleu ayant quitté sa voûte astrale, derrière des soleils jaunes pâles, l’esprit léger, s’est peint un ciel grisonnant accueillant des libellules ailées de gloire, elles s’accrochent sur des herbes grandioses, les faisant vivre pour des temps immémoriaux. Figées en des formes de motifs inertes, noir de solitude, elles s’affichent simplement pour ne pas nous faire oublier qu’elles font corps avec la chair tellurienne.

Finalement, dame nature s’est transformée en un espace limpide, mettant en lumière tous les niveaux de sa représentation non plus d’un point de vue réel, mais bien comme une mise en scène s’étalant en aplats s’apparentant à des rideaux théâtraux. Aucun bruit de libellules, de feuilles, seul persiste, se perpétue un silence mu par la création d’un autre devenir.

Françoise Benomar
Dans le cadre de l’exposition 
Cones Ccupcakes and Dragonflies
Galerie Shart, Casablanca 2010

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Rita Alaoui & Fatma Jellal