Nathalie Locatelli

« Où sont passés les petits papiers ? »

Voilà ce que m’inspire instantanément ces photographies  d’ « inconnus » qui - d’un album de famille, de la boite à biscuit en métal de la grand-mère, ou encore de la malle en paille rangée au grenier - à l’étal d’un brocanteur, ont fait, à leur insu, le voyage .

Abandonnées au regard d’autres inconnus, certaines auront la chance de rencontrer quelques collectionneurs en quête de sentimentalité et pour les plus chanceux,  Rita Alaoui  qui de sa main délicate leur donnera une nouvelle  seconde vie.

A l’instar de la chanson de Gainsbourg, (qui dans la liste des papiers a oublié le papier photo !) ces instantanés nous projettent dans un passé encore pas si lointain, celui des congés payés, des bals du 14 juillet, des baptêmes, mariages et autres colonies de vacances, d’une simplicité proche de l’abandon, d’une poésie  proche d’une touchante spontanéité. A les regarder de très près, elles dévoilent subtilement un bon nombre d’indices, des petites preuves de rien du tout de ses vies tout aussi minuscules, et pourtant …  ces inconnus nous sont si familiers. Et pour cause, nombreux nous sommes à conserver ces petits papiers  aux bords dentelés qui nous racontent leur petites histoires, étrangement semblables à nos propres histoires.

 Si la photographie dite vernaculaire n’a pas  de vocation artistique, elle acquiert grâce à la « grâce » du geste de Rita ce nouveau statut.  

« …un peu d’amour et d’esthétique » dit la chanson.

 Rita Alaoui, applique (s’applique, comme elle l’a sans doute  fait – au temps de l’enfance-  avec ses cahiers de coloriage) sur ces petites scénettes en noir et blanc, sa gamme de formes –délicieusement naïves, des matières, et des couleurs, qu’on lui connaît déjà par ailleurs dans ses dessins et peintures : des fleurs, des papillons, des soleils,  des lunes, des confettis, des ors, des noirs, des verts, des rouges, des feux d’artifices … comme pour réveiller d’un sommeil de papier tous ces personnages du  grand théâtre de la vie.

Interminablement l’enfance, disait Stendhal : C’est bien à notre enfance que font écho tous ces témoins de papiers pour nous dire :

Laissez parlez les petits papiers
Puisse t’il un soir vous consoler…
Merci Rita.

Nathalie Locatelli, 2015
Galerie 127

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